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Match fantôme Chili VS URSS : Quand la géopolitique s’invite dans le football

Le mardi 11 septembre 1973 au Chili, le gouvernement du président démocratiquement élu du socialiste Salvador Allende est renversé par un coup d’État militaire. Ce putsch place à la tête du pays, le général d’armée Augusto Pinochet. 

Ce putsch intervient alors que l’équipe nationale de football du Chili et celle de l’URSS doivent s’affronter dans un match aller et retour en barrage intercontinental pour la Coupe du monde de football 1974.  L’URSS, qui n’est plus du tout allié avec le nouveau régime chilien, rompt de son côté ses relations diplomatiques, en plein contexte de Guerre Froide.

Malgré le coup d’Etat et la rupture des relations diplomatiques, le 26 septembre 1973, le Chili et l’URSS s’affrontent à Moscou pour le match aller du barrage qualificatif. Les chiliens reçoivent un accueil glacial. Le match aller se dispute dans le stade Lénine de Moscou, devant près de 60.000 personnes.

Bien que favorite, l’URSS est tenu en échec par le Chili qui parvient à arracher un match nul ( 0-0). Un score plutôt favorable à l’équipe chilienne qui aura l’avantage de jouer à domicile pour le match retour. Un match nul qui a des allures de défaite pour l’URSS qui était à l’époque, champion d’Europe en titre.

Seulement après ce match, les soviétiques sont informés des dérives du nouveau régime en place au Chili. On apprend notamment que sous les ordres du général Pinochet, la police  réquisitionne le stade national pour y parquer, torturer et exécuter des milliers d’opposants. Pour les soviétiques, il n’est pas question de jouer le match retour au Chili notamment dans ce stade transformé en camp de concentration où sont parqués et assassinés les opposants. On dénombre près de 8 000 prisonniers politiques détenus à l’Estadio Nacional, véritable prison à ciel ouvert. Les vestiaires sont transformés en cellules et le stade est utilisé comme centre de torture. Entre le 11 septembre et le 7 novembre, près de 40 000 personnes sont passées entre les murs du stade national où ils ont été sauvagement torturées. Pour couvrir les cris de douleur provoqués par la torture, l’armée diffuse la musique des Beattles et des Rolling Stones.

 L’URSS réclame que la rencontre soit organisée ailleurs en Amérique latine, sur terrain neutre au motif que le stade est « taché du sang des patriotes du peuple chilien ». Cette requête est rejetée par la FIFA.

Le général Pinochet quant à lui, souhaite utiliser le football et une qualification du Chili pour endormir son peuple, entériner son putsch et faire naître un sentiment national. Le Chili doit se qualifier pour la Coupe du Monde et cela doit passer par l’Estadio Nacional. Pas question de délocaliser le match.

Puisque l’URSS n’avait pas clairement officialisé son forfait, le match retour a été maintenu au Chili par la FIFA. Les soviétiques ne feront pas le déplacement au nom des valeurs morales et des droits de l’homme :

« Pour des considérations morales, les sportifs soviétiques ne peuvent pas jouer en ce moment au stade de Santiago, souillé du sang des patriotes chiliens. L’URSS exprime une protestation ferme et déclare que dans les conditions actuelles, quand la FIFA, agissant contre le bon sens, permet que les réactionnaires chiliens les mènent par le bout du nez, elle doit refuser de participer à ce match sur le sol chilien, ceci par la faute de l’administration de la FIFA. » 

Le 21 novembre 1973 date prévue pour le match,  le stade national, camp de concentration depuis le 12 septembre, avait retrouvé l’apparence d’une enceinte sportive classique. Les militaires font office de stadiers. Dans les vestiaires il y avait encore des traces de sang temoignant les séances de torture qui s’étaient déroulées dans ce stade.

Devant une foule estimée à 17 000 spectateurs, l’équipe nationale de football du Chili se présente sur le terrain. Un arbitre local est choisi pour arbitrer ce match. Le Chili donne le coup d’envoi de la rencontre et son attaquant Francisco Valdés s’en va marquer très rapidement un but dans des cages vides. Le match a duré moins d’une minute.

Le Chili bat l’URSS 2 à 0 et est qualifié sur tapis vert. La FIFA notifie une disqualification à l’URSS en raison de sa non-présence sur le terrain.

Le Chili fera une piètre prestation en coupe du monde en Allemagne. Battus 1-0 pour leur premier match face à la RFA, les Chiliens font match nul ensuite contre la RDA et l’Australie et sont éliminés dès le premier tour.

Même si son pays a été éliminé dès le premier tour, le général Augusto Pinochet a quand même réussi à utiliser le football afin de faire oublier , pour un temps, l’oppression de son régime.

La terre est sale. Si è ne mvit. 

Arol KETCH -14.11.2022

Rat des archives 

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