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𝐒𝐚𝐊𝐮𝐞𝐥 𝐍𝐉𝐀𝐍𝐊𝐎𝐔𝐎 – 𝐋𝐞 𝐧𝐚𝐭𝐢𝐚𝐧𝐚𝐥𝐢𝐬𝐭𝐞 𝐜𝐚𝐊𝐞𝐫𝐚𝐮𝐧𝐚𝐢𝐬 𝐚𝐮𝐛𝐥𝐢𝐞́

C’est l’histoire d’un homme, un patriote acharné, dont le destin a basculé dans l’ombre d’une trahison. Un nationaliste camerounais dont la mort tragique à l’étranger rappelle étrangement celle de Félix Moumié.

Le 10 avril 1948, l’Union des Populations du Cameroun (UPC) naît dans le feu du combat pour une indépendance réelle et une réunification du pays. Ses leaders sont traqués, éliminés un à un. Ruben Um Nyobé, exécuté le 13 septembre 1958 à Libelingoï, prÚs de Boumnyébel ; Castor Osendé Afana, abattu le 15 mars 1966 dans le maquis de la Boumba-et-Ngoko, au sud-est du pays, prÚs de la frontiÚre congolaise ; Ernest Ouandié, fusillé le 15 janvier 1971 à Bafoussam ; Félix Moumié, empoisonné par les services secrets français à GenÚve le 3 novembre 1960.

Parmi ces figures de la résistance assassinée, un nom demeure méconnu : Samuel NJANKOUO.

Fils de PEKA Paul et de MAPOUENE Élisabeth, originaire de Foumban, il est dÚs le lycée conquis par l’idéologie de l’UPC. Il milite aux cÃŽtés de Félix Moumié avant de partir en Allemagne pour ses études. Là-bas, il épouse une Allemande, Christine, fille unique du commandant du Mur de Berlin, et fonde une famille. Deux enfants naissent de cette union : PEPOUERE MOÏSE et Samuel NJANKOUO MEFIRE, son cadet, qui portera intégralement son nom.

Mais Samuel NJANKOUO ne s’éloigne jamais de son combat. Il rêve d’un Cameroun libre et souverain, prêt à rentrer servir son pays. Un idéal qui fait de lui une cible. Le régime en place le surveille, le traque. Il est l’un des derniers survivants de l’aile radicale l’UPC, et il faut l’éliminer.

Un ancien sénateur du Cameroun français trÚs connu, envoyé spécialement à Foumban, extorque l’adresse de Samuel à son pÚre. En parallÚle, l’administration camerounaise contacte celle d’Allemagne au sujet du cas Samuel NJANKOUO. Mais le véritable piÚge se referme sur lui par le biais de son propre beau-pÚre. Ce dernier, craignant de perdre sa fille et ses petits-enfants si Samuel retournait au Cameroun, voit là une opportunité. Il devient l’instrument d’un assassinat programmé.

Le jour de la naissance de son deuxiÚme fils en 1970, Samuel NJANKOUO est empoisonné et meurt. Les circonstances de sa mort restent troubles : si sa famille soutient que son beau-pÚre est à l’origine du crime avec des complicités avec le Cameroun, une autre thÚse affirme qu’il aurait été éliminé par deux « camarades » socialistes.

Enterré en Allemagne, il repose cinq ans sous terre avant que son épouse, fidÚle à sa mémoire, ne fasse exécuter ses derniÚres volontés : son corps est rapatrié au Cameroun. De Douala à Foumban, c’est un cortÚge de curieux qui accourt, stupéfaits : aprÚs cinq ans, le corps du défunt est intact, comme figé dans le temps.

Sa mort plonge sa famille dans le chaos. Son épouse, brisée, sombre dans l’alcool et la dépression. Ses fils grandissent dans une Allemagne marquée par le racisme et une famille divisée, luttant pour survivre dans un environnement hostile. Ces deux enfants luttent pour survivre et multiplient les petits boulots.

A force d’ardeur et de témérité, le cadet, Samuel NJANKOUO Mefire, devient le premier policier noir d’Allemagne de l’Est. En 1992, son visage s’affiche sur tous les panneaux du pays sous le slogan : « Un Saxon ». Il est le symbole d’une Allemagne réconciliée avec elle-même. Mais derriÚre cette image lisse, il n’est qu’un pion, une icÃŽne exploitée.

Lorsqu’il découvre la vérité sur la mort de son pÚre et la manipulation dont il est victime, il explose. Il claque la porte de la police en 1994, crée son entreprise de sécurité, OMEGA SECURITY, avant de basculer dans une autre vie : celle des braquages de haute volée.

De chasseur, il devient gibier. Son visage orne cette fois les avis de recherche. Il fuit en Afrique, direction le Zaïre, espérant rallier le Cameroun, pays de ses ancêtres. Mais l’épidémie d’Ebola fait de son rêve une impasse. Il retourne en Allemagne où il est arrêté et condamné en 1996 à prÚs de dix ans de prison.

À sa sortie de prison, il renaît. À Bonn, il se reconstruit, épouse une nouvelle vie, une nouvelle famille, marié et pÚre de deux filles. Il devient mentor pour jeunes délinquants, coach en gestion de crise, auteur de polars. Son autobiographie, « Moi, un Saxon : ma vie germano-allemande », révÚle son incroyable parcours.

Aujourd’hui, son histoire est immortalisée par la série « Sam – Un Saxon », produite par Disney+. En sept épisodes, elle retrace l’ascension et la chute du premier policier noir d’Allemagne de l’Est. Une histoire de lutte, de trahison et de rédemption. Une histoire où plane, toujours, l’ombre d’un pÚre assassiné, d’un héros oublié : Samuel NJANKOUO.

L’oubli est la ruse du diable !

Arol KETCH – 07.03.2025

Rat des archives

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