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Djeukam Tchameni, Anicet Ekanรจ et le Pr Jean Calvin Abaโa Oyono sont aux arrรชts depuis plusieurs jours, kidnappรฉs en violation des lois pour avoir soutenu le Prรฉsident Issa Tchiroma. Nous en profitons pour dresser le portrait de Djeukam Tchameni.
Djeukam Tchameni est lโune des figures marquantes de la gรฉnรฉration qui a dรฉfiรฉ le rรฉgime de Paul Biya au tournant des annรฉes 1990.
Nรฉ ร Barรฉ (Nkongsamba, Cameroun), il se forme ร lโUniversitรฉ de Yaoundรฉ ร la fin des annรฉes 1970 dans les cercles clandestins marxistes oรน se mรชlent les lectures de Marx, Lรฉnine, Mao, Nkrumah, Cabral et Che Guevara.

Trรจs tรดt, il sโimprรจgne dโun idรฉal panafricaniste et rรฉvolutionnaire qui relie la libรฉration du Cameroun ร celle du continent africain. Aprรจs ses รฉtudes, il part aux รtats-Unis oรน il obtient un MBA ร lโUniversitรฉ de Houston et sโengage au sein du All African Peopleโs Revolutionary Party dirigรฉ par Kwame Ture (ex-Stokely Carmichael).
Cette double formation scientifique et militante, faรงonne son profil rare : intellectuel technicien et militant de la souverainetรฉ africaine.
De retour au Cameroun en 1985, il refuse de se fondre dans le systรจme. ร 24 ans, il dรฉmissionne dโun poste bien rรฉmunรฉrรฉ chez Pecten (filiale amรฉricaine du pรฉtrole camerounais) pour crรฉer Intelligence Artificielle Inc. (Intelar), premiรจre entreprise informatique nationale de fabrication dโordinateurs.

Entourรฉ de jeunes ingรฉnieurs formรฉs ร Polytech et ร lโEnsiaac, il conรงoit Ramses I, un micro-ordinateur ยซ tropicalisรฉ ยป adaptรฉ aux conditions africaines. Financรฉ ร hauteur de cent millions de FCFA, le projet symbolise un rรชve dโautonomie technologique : produire localement, penser africain. Mais lโรtat voit dโun mauvais ลil cette initiative indรฉpendante. En 1986, il crรฉe le parti panafricaniste (P2) ;
En 1988, Tchameni est arrรชtรฉ par la Sรฉcuritรฉ militaire, accusรฉ de subversion pour ses activitรฉs politiques clandestines. Condamnรฉ par le tribunal militaire en 1990, il devient prisonnier politique, reconnu par Amnesty International comme victime du rรฉgime. Libรฉrรฉ en aoรปt 1990 sous pression internationale, il reprend immรฉdiatement la lutte.
Quelques mois plus tard, il fonde le Comitรฉ dโaction populaire pour la libertรฉ et la dรฉmocratie (Cap Libertรฉ), coalition transpartisane nรฉe de la mobilisation pour la libรฉration du journaliste Cรฉlestin Monga et de Pius Njawe.

Sous sa prรฉsidence, Cap Libertรฉ devient lโorganisation la plus structurรฉe de la sociรฉtรฉ civile camerounaise. Sa mission : dรฉfendre les libertรฉs publiques, รฉduquer politiquement les citoyens et coordonner la mobilisation populaire.
Refusant la logique des partis opportunistes, Tchameni construit un rรฉseau dโassociations , taximen, commerรงantes bayam sellam, รฉtudiantes, femmes, syndicalistes et diffuse chaque semaine plus de 300 000 tracts ร travers le pays.
Cap Libertรฉ quadrille le territoire, forme les militants, et joue un rรดle clรฉ dans la Coordination nationale des partis dโopposition et associations, creuset du mouvement dรฉmocratique.
Lโannรฉe 1991 marque son apogรฉe et sa tragรฉdie. Djeukam Tchameni est au centre des ยซ Villes Mortes ยป, ces grรจves gรฉnรฉrales qui paralysent le Cameroun pour rรฉclamer une Confรฉrence nationale souveraine. Son influence et sa dรฉtermination font de lui lโun des hommes les plus redoutรฉs du pouvoir.
Accusรฉ dโextrรฉmisme ; Il rejette cette accusation. Selon lui, la violence vient de lโรtat, non des manifestants dรฉsarmรฉs. Pour lui, les Villes Mortes sont un acte de conscience populaire, un soulรจvement pacifique contre la dictature.

Le 4 aoรปt 1991, les forces de sรฉcuritรฉ attaquent le siรจge de Cap Libertรฉ installรฉ dans les locaux dโIntelar ร Akwa, tirent ร balles rรฉelles, arrรชtent plus de 700 personnes et saccagent lโentreprise, accusรฉe dโespionnage.
Quelques jours plus tard, une tentative dโassassinat contre lui ร lโhรดtel Arcade lโoblige ร se cacher, puis ร sโexiler. Il quitte clandestinement le pays, traverse le Nigeria et trouve refuge au Burkina Faso, oรน il restera cinq ans.
Lโรtat camerounais dรฉtruit ainsi lโhomme et lโentreprise, รฉtouffant ร la fois une voix politique et un projet industriel.
Depuis lโexil, Djeukam Tchameni poursuit la rรฉflexion stratรฉgique sur le changement au Cameroun. Pour lui, les รฉchecs de 1992 tiennent ร la division de lโopposition et au culte de la personnalitรฉ autour de certains leaders.
Il plaide non pour une alternance, mais pour une transition refondatrice : des รtats gรฉnรฉraux du peuple camerounais, un gouvernement dโunion nationale issu de la sociรฉtรฉ civile, une pรฉriode de trois ร quatre ans pour rรฉรฉcrire les rรจgles du jeu, restaurer la justice et organiser des รฉlections libres ร deux tours.
Le mot dโordre : refonder, pas remplacer. Il sโoppose au culte du chef, insiste sur la primautรฉ du programme collectif et de la discipline populaire.
Il est le fondateur du Mouvement pour la Dรฉmocratie et l’Interdรฉpendance (MDI). Il est candidat ร lโรฉlection prรฉsidentielle de 2004 au Cameroun.
Nous appelons ร la libรฉration de Djeukam Tchameni, Anicet Ekanรจ, Abaโah Oyono et de tous les prisonniers politiques.
Lโoubli est la ruse du diable!
Arol KETCH – 30.10.2025
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