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Le directeur du Journal Le Figaro assassiné par l’épouse d’un ministre

C’est une affaire d’honneur sali ! L’honneur c’est sacré !
Nous vivons dans une époque où les réseaux sociaux facilitent la diffusion d’informations erronées, des calomnies pour salir l’honneur des personnages publics. Généralement impuissants devant la vindicte des réseaux sociaux, plusieurs personnages publics et surtout des hommes politiques ont vu impuissamment leur honneur trainé dans la boue par les médias et les réseaux sociaux. Une certaine presse aux ordres se livrent généralement au lynchage des Hommes publics à tort ou à raison pour servir des fins inavouées.
Il fut une époque où les personnages publics ne badinaient pas avec leur honneur. L’honneur d’une famille était sacré et on était prêt à tout pour le rétablir.
Nous sommes en France dans les années 1914 quelques mois avant la première guerre mondiale. Joseph Caillaux est Ministre des Finances du gouvernement de Gaston Doumergue.
Il est 17h17, ce Lundi 16 mars 1914 lorsque le directeur du Figaro, Gaston Calmette (l’un des plus grands journaux de France) ouvre sa porte à une jeune femme blonde, élégante et très belle. Cette dernière attendait depuis plus d’une heure d’être reçue. La secrétaire de Gaston Calmette lui a révélé bien avant, l’identité de cette femme. Il s’agit de Henriette Caillaux ; l’épouse de Joseph Caillaux ; Ministre des Finances, ancien Président du Conseil et chef du parti radical. Gaston Calmette est étonné et intrigué ; que lui vaut cette visité improvisé, se demande-t-il intérieurement.
Mais, il croit avoir une idée car son Journal Le Figaro mène depuis quelque temps une violente campagne de dénigrement contre le ministre des finances Joseph Caillaux ; il est accusé de tous les maux qui minent le pays. Il est littéralement lynché à travers une série d’articles dévastateurs. Pas moins de 138 articles en 3 mois. Ces articles mettent surtout en avant la supposé mauvaise moralité du ministre Caillaux qui est accusé de trafic d’influence, de manipulation financière et de captation d’héritage.


Le patron du Figaro, ira loin dans ses procédés. Il va publier dans son journal des correspondances privées, intimes entre Henriette et Joseph alors que celle-ci était encore sa maitresse. En effet, dans ces lettres enflammées, Joseph Caillaux déclarait son amour à sa maitresse et lui promettait même de divorcer pour l’épouser.
C’est devenu un feuilleton qui tient en haleine les lecteurs. Et ceux-ci attendent comme des loups affamés des nouvelles correspondances privées pour se délecter de la vie intime du ministre Joseph Caillaux. Le patron du Figaro nourrit l’appétit de ses lecteurs en maintenant le suspense et en promettant de nouvelles correspondances plus enflammées que les précédentes.
Le ministre Caillaux comprend alors que Le Figaro va publier une lettre à très haut risque politique qui risque mettre fin à sa carrière. Une lettre dans laquelle il parle d’un accord secret qu’il a négocié avec l’Allemagne deux ans plus tôt. Une véritable bombe politique. Il consulte aussitôt le président de la cour d’assise et celui-ci lui fait comprendre qu’aucune loi en vigueur ne peut faire interdire la publication d’une lettre ou même d’un article avant sa parution. Joseph Caillaux décide alors d’aller rencontrer le Président de la République Raymond Poincaré pour le supplier d’intervenir auprès du patron du Figaro qui est son ami intime. Malgré cela, le patron du Figaro ne renonce pas à publier sa fameuse correspondance.
Joseph Caillaux rentre chez lui furieux et noir de colère ; il raconte tout à son épouse ; il dit à cette dernière qu’il va casser la gueule de Calmette, patron du Figaro. Affecté par la souffrance de son époux et la situation inextricable que traverse celui-ci, Madame Calmette quitte son domicile et pour dit-elle, aller faire des courses. En réalité, elle a une idée en tête : « Faire taire définitivement le patron du Figaro ».
Elle se rend chez un armurier tout près du siège du Figaro à Paris et achète un pistolet automatique. Elle l’essaie dans le stand de tir qui se trouve au sous-sol du magasin. Elle se fait expliquer le fonctionnement et la manipulation du pistolet. Elle rentre à son domicile avec son pistolet. Elle écrit une lettre destinée à son mari et quitte la maison pour se rendre au Figaro. Dans cette lettre destinée à son mari, elle explique que puisqu’il n’y a pas de justice, elle va se faire justice, elle-même. « C’est moi qui ferai justice. La France et la République ont besoin de toi, c’est moi qui commettrai l’acte ». Elle conclut sa lettre par une phrase lapidaire : « Ma patience est finie ! je t’aime et je t’embrasse du plus profond de mon cœur ».
Il est donc 17h17 lorsque Henriette Caillaux pénètre dans le bureau de Gaston Calmette, le patron du Figaro. Lorsque celui-ci lui demande le motif de sa visite, elle ne répond pas. Elle le dévisage du regard et sort de son manchon le pistolet automatique qu’elle a acheté et tire à 6 reprises sur le patron du Figaro. Elle va littéralement vider son chargeur sur ce dernier. Alertés par les bruits des coups de feu, les collaborateurs du Figaro pénètrent dans le bureau de Gaston Calmette et le trouvent plongé dans une mare de sang haletant.
Dans un dernier sursaut, il souffle à ses collaborateurs venus à son secours : « J’ai fait mon devoir. Ce que j’ai fait, je l’ai fait sans haine ! ». Transporté en urgence dans une clinique de Neuilly, Gaston Calmette meurt sur la table d’opération. Henriette Caillaux se rend, sans avoir tenté de fuir. Interrogée au commissariat du faubourg Montmartre, elle reconnaît les faits, expliquant qu’elle voulait lui donner une leçon et espérant ne pas l’avoir trop gravement blessé.
Henriette Caillaux est arrêtée sous l’inculpation d’homicide volontaire avec préméditation. Son procès s’ouvre le 21 juillet 1914. C’est le procès de l’année. Elle plaide le crime passionnel d’une femme éplorée à bout de nerfs. Henriette Caillaux est acquittée le 28 juillet 1914. Avant de sortir du tribunal, elle s’évanouit dans les bras de son mari. Les photographes immortalisent la scène.
On crie alors au scandale. On dit alors que Joseph Caillaux a usé de son influence pour influer sur le verdict du procès. En effet, un de ses amis, Jean-Bienvenu Martin, est nommé ministre de la Justice en juin 1914 alors que le procureur général a été élevé au grade de commandeur de la Légion d’honneur quelques jours avant le procès. On évoque également une collusion entre Joseph Caillaux et le juge d’instruction.
Henriette Caillaux a tué pour venger l’honneur de son mari, régulièrement attaqué sur sa politique dans les colonnes du Figaro.
Le Figaro est un journal quotidien français fondé en 1826, sous le règne de Charles X. Il est à ce titre le plus ancien quotidien de la presse française encore publié. Il est nommé d’après Figaro, le personnage de Beaumarchais.
Rappelons la devise du Journal Le Figaro de sa création à ce jour : « Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur ; il n’y a que les petits hommes, qui redoutent les petits écrits. » Beaumarchais, Le Mariage de Figaro.
Arol KETCH – 19.10.2021

Rat des archives

Fourmi Magnan égarée

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