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Les monts de Kong : La première fake news de l’histoire

En 1798,  alors que le continent africain est encore inexploré par les occidentaux, le cartographe anglais James Rennell invente l’existence d’une chaîne de montagnes africaines : “les  monts de Kong”. James Rennell situe alors “les monts de Kong” au cœur de l’Afrique. Ainsi, l’Afrique serait traversée par une barrière montagneuse continue, longue de 4 000 kilomètres, coupant le continent en deux. Pendant près d’un siècle, les explorateurs et géographes vont pourtant y croire. Ils reprirent cette information dans leurs propres cartes.

Cette chaîne de montagnes imaginaire a figuré à tort sur la plupart des cartes géographiques de l’Afrique au cours du XIXème siècle.

Les  monts de Kong (Mountains of Kong) étaient censés constituer la ligne de partage des eaux entre le bassin du Niger au nord et le golfe de Guinée au sud.

Dans la 4e édition du Guide de conversation Meyer de 1880, les monts de Kong sont décrits comme « des montagnes inexplorées, qui s’étendent au nord de la côte de Haute-Guinée sur une longueur de 800 à 1 000 km entre le 7e et le 9e de latitude nord jusqu’à la longitude 1° Ouest de Greenwich ». En 1833, l’ouvrage La Géographie de l’abbé Gaultier présente les monts de Kong comme l’un des « huit massifs montagneux principaux de l’Afrique ».

En réalité, le cartographe anglais James Rennell (1742–1830) avait repris un récit de voyage de l’explorateur Mungo Park qu’il a manipulé et falsifié pour  appuyer sa propre thèse sur le cours du fleuve Niger : Les monts de Kong serviraient de ligne de partage des eaux entre le bassin du Niger et le Golfe de Guinée.

 Dans un passage de son récit de voyage de 1796, en parlant du Mali actuel, il écrivait ceci : : « Vers le sud-est, apparurent au loin des montagnes, que j’avais déjà formellement distinguées près de Marraboo. Les gens m’informèrent que ces dernières étaient situées dans le grand et puissant royaume appelé Kong ».

La cartographe britannique va donc s’appuyer sur ce récit pour inventer une chaîne de montages imaginaires : Les  monts de Kong (Mountains of Kong). À l’époque, James Rennell est un géographe réputé, ses affirmations seront accueillis comme parole d’évangile.

Peu à peu les légendes les plus imaginaires vont se répandre sur cette chaîne de montagnes tout aussi imaginaire. Certains affirment que ses sommets sont recouverts de neige et de gisements d’or. On la désigne même comme étant l’une des principales montagnes d’Afrique. Même  Jules Verne avait évoqué ce massif montagneux  dans son roman Robur le Conquérant, publié en 1886.

Ce n’est qu’en 1888 que ce fake news sera éventré. En février 1888,  l’officier et explorateur français Louis-Gustave Binger en essayant de remonter les cours du fleuve Niger atteignit la fameuse ville de Kong; il découvrit alors stupéfaits que les mont Kong qui figuraient pourtant sur les cartes n’avaient jamais existé.

Binger écrit à ses supérieurs  : « Il n’y a pas de montagne à Kong ni dans les environs. La contrée est une grande plaine, sorte de plateau situé à 650 et 700 mètres d’altitude. » Quelques années plus tard, il confirmera cela dans ses mémoires: « On n’aperçoit pas une ride de collines. La chaîne des montagnes de Kong n’a jamais existé que dans l’imagination de quelques voyageurs mal renseignés ».

C’est en souvenir de cette légende qu’en 1933, le cinéaste Merian C. Cooper va baptiser son gorille géant King Kong dans le film éponyme. Le personnage devient rapidement une icône du cinéma fantastique.

Arol KETCH – 20.06.2022

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