๐๐ฬ๐ซ๐ฬ๐ฆ๐ข๐ ๐๐๐ฬ๐ฅ๐ฬ๐ง๐ฬ : ๐๐ง ๐๐ก๐๐ ๐๐ ๐ฆ๐๐ช๐ฎ๐ข๐ฌ ๐๐๐ง๐ฌ ๐ฅโ๐๐ฎ๐๐ฌ๐ญ-๐๐๐ฆ๐๐ซ๐จ๐ฎ๐ง
Parmi les figures marquantes du maquis camerounais ร la fin des annรฉes 1950, Jรฉrรฉmie Ndรฉlรฉnรฉ occupe une place centrale. Chef militaire redoutรฉ dans la rรฉgion de Bamendjo (Ouest-Cameroun), il fut lโun des principaux adversaires de lโarmรฉe coloniale franรงaise et de ses auxiliaires camerounais.
Son parcours illustre ร la fois lโorganisation des maquis UPC, la brutalitรฉ de la rรฉpression coloniale et la volontรฉ dโรฉradiquer les foyers de rรฉsistance armรฉe.
Lโรฉmergence dโun chef de maquis
Originaire de Bamendjo, Ndรฉlรฉnรฉ sโimpose dรจs 1958-1959 comme un leader militaire reconnu dans lโOuest.
Alors que la rรฉpression contre lโUPC pousse de nombreux militants dans la clandestinitรฉ, il parvient ร fรฉdรฉrer autour de lui un noyau de combattants dรฉcidรฉs ร poursuivre la lutte armรฉe.

Son maquis devient rapidement lโun des plus importants de la rรฉgion bamilรฉkรฉ. Tradipraticien rรฉputรฉ, les populations lui attribuent des pouvoirs mystiques. Initialement, Ndรฉlรฉnรฉ ignore les rรฉels fondements du combat de lโUPC ; mais peu ร peu ; il finit par rallier le combat mรชme sโil est quelques fois en conflits et en rivalitรฉ avec des chef de maquis comme Paul Momo.
Les archives militaires franรงaises dรฉcrivent sa zone dโinfluence comme ยซ une vรฉritable forteresse ยป, difficilement pรฉnรฉtrable par les forces de lโordre.
Le gรฉnรฉral Briand reconnaรฎt en 1960 que ยซ lโaction dโune seule compagnie en nomination paraissant insuffisante pour lโรฉliminer, de nouvelles opรฉrations plus importantes sโavรจrent nรฉcessaires ยป. Cette reconnaissance illustre la crainte quโinspirait Ndรฉlรฉnรฉ au sein de lโappareil colonial.
Une organisation structurรฉe
Ndรฉlรฉnรฉ se distingue par sa capacitรฉ ร organiser et structurer son mouvement. Ses troupes disposent dโune hiรฉrarchie claire, dโun systรจme de ravitaillement en armes et munitions, ainsi que dโun rรฉseau de renseignement รฉtroitement liรฉ aux populations locales.
Un rapport de la Sรปretรฉ de juillet 1960 note que ยซ [la population] de Bamendjo, aux ordres de Ndรฉlรฉnรฉ Jรฉrรฉmie, parvient ร subsister au Sud-Est de Mbouda ยป, signe de la fidรฉlitรฉ que lui accordaient les habitants malgrรฉ la rรฉpression.
Ses hommes, estimรฉs entre 300 et 2 000 selon les pรฉriodes, mรจnent des opรฉrations de harcรจlement contre les postes militaires et incarnent la persistance dโune rรฉsistance armรฉe dans la rรฉgion.
La traque militaire
Face ร cette menace, les autoritรฉs coloniales et, dรจs 1960, le nouvel รtat camerounais dโAhmadou Ahidjo, font de Ndรฉlรฉnรฉ une cible prioritaire.
Les opรฉrations militaires de grande envergure se multiplient dans lโOuest, combinant :
* des actions de quadrillage et de ratissage (ยซ opรฉrations Alpha ยป, ยซ ABC ยป) ;
* le recours ร des informateurs et des trahisons internes ;
* une guerre psychologique visant ร isoler les maquis des populations.
Les rapports militaires insistent sur lโimportance dโยซ รฉliminer ยป Ndรฉlรฉnรฉ pour affaiblir durablement la rรฉsistance. En octobre 1960, un document de lโarmรฉe franรงaise mentionne explicitement ยซ le projet dโรฉliminer certains chefs ยป, dont Ndรฉlรฉnรฉ.
La mort de Ndรฉlรฉnรฉ
Aprรจs lโassassinat de Fรฉlix Moumiรฉ ร Genรจve en novembre 1960 et la mort de Paul Momo, Ndรฉlรฉnรฉ devient lโune principale figure ร abattre. On lui attribuait des pouvoirs mystiques.
La lรฉgende de son invincibilitรฉ sโรฉtait rรฉpandue dans la rรฉgion ; criblรฉ dโamulettes, il disait que les balles nโavaient aucun effet sur lui.
Le 24 novembre 1960, il est localisรฉ prรจs de Bakadjou, dans une zone marรฉcageuse. Les archives rapportent quโยซ ร 12h00, il quitte sa cache pour se rapprocher des marรฉcages et tombe dans lโembuscade ยป tendue par plusieurs sections.
Il est tuรฉ lors de cette opรฉration dirigรฉe par le capitaine Plissonneau et revendiquรฉe comme une victoire majeure. Sa dรฉpouille est dรฉgradรฉe pour dรฉsacraliser le mythe de son ยซ invincibilitรฉ ยป.
Le rapport officiel souligne que ยซ la compagnie qui a abattu le grand chef rebelle Ndรฉlรฉnรฉ Jรฉrรฉmie ร Bamendjo lors des derniรจres opรฉrations de ratissage de lโarmรฉe franรงaise ร Mbouda ยป mรฉrite une dรฉcoration militaire.
Hรฉritage et mรฉmoire
La mort de Ndรฉlรฉnรฉ sโinscrit dans la stratรฉgie coloniale et nรฉocoloniale de dรฉcapitation des maquis UPC. Comme Paul Momo ou Martin Singap, il est รฉliminรฉ avec lโappui direct des services de renseignement franรงais, qui fournissent les informations cruciales ร leurs unitรฉs.
Pour lโarmรฉe, sa disparition constitue une victoire dรฉcisive dans la ยซ pacification ยป de lโOuest. Mais pour les populations locales et la mรฉmoire militante, Jรฉrรฉmie Ndรฉlรฉnรฉ demeure une figure de rรฉsistance, symbole de courage face ร une rรฉpression impitoyable.
Lโoubli est la ruse du diable !
Arol KETCH – 10.09.2025
Rat des archives