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Avril 1991. Le Cameroun gronde.
De Douala ร Bamenda, le pays sโembrase au rythme des villes mortes, ce vaste mouvement de dรฉsobรฉissance civile portรฉ par lโopposition et la sociรฉtรฉ civile. Parmi les acteurs de ce mouvement : Djeukam Tchameni et CAP Libertรฉ. Entre avril et novembre 1991, la contestation laisse derriรจre elle un lourd bilan, prรจs de 400 morts.
Le 27 juin 1991, Paul Biya tranche, froidement : ยซ La Confรฉrence nationale est sans objet pour le Cameroun. ยป
La rue explose. Les jeunes envahissent les artรจres des grandes villes. Pour le rรฉgime, un responsable est tout trouvรฉ. Pour Jean Fochivรฉ, tout-puissant patron de la police politique, lโennemi public numรฉro un porte un nom : Djeukam Tchameni. Il faut le faire taire. Par tous les moyens.

Le 13 juillet 1991, CAP Libertรฉ est dissous. Mais lโรฉtau ne fait que se resserrer. Filatures, intimidations, menaces voilรฉesโฆ jusquโร lโirrรฉparable.
Le 4 aoรปt 1991 : la chasse sโouvre. Ce jour-lร , une manifestation est annoncรฉe ร Douala Bar, lieu de ralliement habituel des militants. Mais la ville est quadrillรฉe. Policiers, gendarmes, militaires : le dispositif est massif. Toute tentative de nรฉgociation รฉchoue.
Les manifestants dรฉcident alors de se replier vers un espace privรฉ, pensant y รชtre ร lโabri.
La foule converge vers le siรจge de CAP Libertรฉ, installรฉ dans lโenceinte de lโentreprise Intelar, un vaste terrain de 6 000 mยฒ sur le boulevard de la Libertรฉ, ร Akwa, ร deux pas de lโhรดtel Le Ndรฉ. Des milliers de personnes sโy entassent, convaincues de ne violer aucune loi.
Lโattaque est brutale. Sans sommation, une force mixte donne lโassaut. Balles rรฉelles. Gaz lacrymogรจnes. Panique. Prรจs de 700 personnes sont arrรชtรฉes et emmenรฉes de force dans les locaux du gรฉnie militaire. Ce jour-lร , le sang manque de couler ร flots.
Djeukam Tchameni รฉchappe de justesse ร la mort.

La survie de Djeukam tient ร une poignรฉe de complicitรฉs courageuses et insoupรงonnables. Patrice, lโun des fils du magnat Kadji Defosso, organise son exfiltration. Djeukam Tchameni est discrรจtement conduit dans la concession de Kadji, oรน il restera en sรฉcuritรฉ pendant deux semaines, traquรฉ par toutes les forces de sรฉcuritรฉ du pays.
Mais, ce rรฉpit est de courte durรฉe. Le terrible Jean Fochivรฉ, lโhomme qui a les yeux et les oreilles partout est informรฉ. Il sait dรฉsormais oรน se cache Djeukam. La nasse se referme.
Prรฉvenu ร temps par des sympathisants infiltrรฉs dans lโappareil sรฉcuritaire, Djeukam Tchameni sโรฉclipse une fois encore.
Depuis lโattaque du 4 aoรปt, Djeukam entre en clandestinitรฉ totale..Il brouille les pistes, multiplie les cachettes, change de quartier comme de chemise. Lorsquโon le cherche au sud de Douala, il se terre au nord. Lorsquโon fouille le nord, il a dรฉjร disparu ailleurs.
Un jour, il dรฉcide de pousser la diversion ร son paroxysme. Il fait louer, par son รฉpouse, une chambre ร lโhรดtel Arcade, ร Bonanjo.
Un simple sac y est dรฉposรฉ, avec quelques effets personnels. Lโappรขt est en place.
La nuit tombe. Un incendie รฉclate dans les chambres voisines. Les agents de sรฉcuritรฉ maรฎtrisent rapidement les suspects. Lโaffaire est sidรฉrante : les pyromanes sont des gendarmes, chargรฉs de le faire disparaรฎtre dรฉfinitivement.Cette fois, il nโy a plus de doute possible ; Jean Fochivรฉ veut sa tรชte.
Reste une question : comment quitter Douala, alors que la ville est cadenassรฉe de barrages et de patrouilles mixtes ?
Les idรฉes fusent : dรฉguisement en femme, cache dans un tonneau dโhuile de palmeโฆ Il refuse tout. Par dignitรฉ ; par dรฉfi. Il nโa rien ร se reprocher et refuse de fuir comme un voleur.Il choisit la voie la plus risquรฉe : partir ร visage dรฉcouvert.
Au volant dโune voiture ordinaire que lui remet la famille Kadji, il prend la route avec son รฉpouse, sa fille de 4 ans et un neveu de 15 ans, chargรฉ dโouvrir le coffre au moindre contrรดle. Ils roulent, calmes en apparence, le cลur battant.
Aux abords de la frontiรจre de la province de lโOuest, un agent sโapproche. Le contrรดle est imminent.
Le sort bascule sur un dรฉtail insignifiant : un car de voyageurs provoque un incident. Lโagent se dรฉtourne. La voiture passe. La libertรฉ, encore une fois, se joue ร une seconde prรจs.
Aprรจs un arrรชt ร Bamenda, Djeukam Tchameni rencontre Ni John Fru Ndi avec qui il passe trois jours. Puis le dรฉpart, dรฉfinitif.
En septembre 1991, il quitte le Cameroun. Direction le Nigeria, puis le Burkina Faso, oรน sa femme et ses deux filles le rejoignent en octobre.
Cinq annรฉes dโexil commencent.
Cette fuite spectaculaire restera comme lโun des plus grands รฉchecs de la carriรจre de Jean Fochivรฉ, le policier le plus redoutรฉ de lโhistoire du Cameroun. Malgrรฉ la traque, la violence et les complots, Djeukam Tchameni aura survรฉcu.
Et avec lui, une page brรปlante, trop longtemps occultรฉe, de lโhistoire camerounaise.
Lโoubli est la ruse du diable !
Nous exigeons la libรฉration de Djeukam Tchameni et de tous les prisonniers politiques.
Pour aller plus loin :
* Les annรฉes Biya โ Haman Mana
* Djeukam Tchameni โ Enoh Meyomesse
* Les rรฉvรฉlations de Jean Fochivรฉ โ Frรฉdรฉric Fenkam
Arol KETCH โ 09.12.2025
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