La tragédie du Collège Monthé : Une cinquantaine de morts !
Quand la rumeur tue !
Les scènes de panique observées aujourd’hui dans les lycées de Limbé au Cameroun ont fait rejaillir dans notre mémoire l’une des affaires les plus sombres et non élucidées de l’Histoire du Cameroun : « L’affaire du Collège Monthé ».
Je republie ce texte que j’ai publié il y a quelques années déjà.
Le collège Monthé ( institut polyvalent privé Monthé) était une institution bilingue, moderne en pleine expansion : enseignements de qualité, enseignants compétents, bâtiments flambant neufs et propres. En effet, les bâtiments avaient 6 niveaux avec 10 salles de classe par étage, une véritable révolution en matière de construction de structure scolaire au Cameroun à cette époque-là. Véritable joyau. Le souhait de tous les enfants de la ville de Yaoundé était de fréquenter au sein du collège Monthé.
L’expansion du collège Monthé n’était pas vu d’un bon œil des autres fondateurs des collèges de la ville qui voyaient leurs élèves quitter leurs établissements pour aller intégrer le collège Monthé. De jour en jour, leurs effectifs se réduisaient comme peau de chagrin. Même les enseignants des prestigieux collèges et lycées de la place postulaient tous pour intégrer l’encadrement du collège Monthé où les enseignants étaient très bien payés. La situation faisait jaser même au sein de l’appareil Étatique. On s’interrogeait. Qui est ce Bamiléké, un allogène qui a osé créer une école en plein Yaoundé pour s’enrichir au détriment des autochtones.
Ce 05 décembre 1988, la journée avait pourtant bien commencé au Collège Monthé. Un lundi matin des plus ordinaire. Après la levée des couleurs et l’exécution de l’hymne national, les élèves rejoignirent aussitôt leur salle de classe. Rien ne laissait présager la survenue d’un drame. Aux alentours de 10h, une folle rumeur selon laquelle les bâtiments du collège sont en train de s’effondrer se répand comme une trainée de poudre ; c’est la panique générale.
Une autre rumeur vient se mêler à la précédente : « les bâtiments seraient en feu ». Sans se poser de questions, les élèves se ruent vers les portent de sortir. Les issus étant obstruées par la foule en mouvement, les enfants se jettent dans le vide pour en échapper. Véritable scène apocalyptique. On vit des enfants sautés depuis le dernier étage et s’écraser à même le sol.
Alertée, madame Monthé qui se trouvait sur les lieux, vint et se mit à crier pour demander aux enfants d’arrêter ce mouvement de panique car l’information selon laquelle les bâtiments seraient en train de s’écrouler ou en feu était fausse. C’était peine perdue. Personne ne l’écoutait. Madame Monthé vit des enfants raides morts autour d’elle. Profondément choquée, perdue et en sanglots, elle démarra sa voiture et décida de quitter cet enfer. Alerté, le fondateur du collège (monsieur Monthé) qui était en déplacement à Bafang pour des raisons sportives (Il était le président de l’omnisport d Bafang) ; prit aussitôt la route pour Yaoundé.
Arrivé sur les lieux, il constata avec effroi les conséquences de ce mouvement de panique : une cinquantaine de morts. L’ampleur du drame fut telle que même le Président de la République, Paul Biya se rendit sur les lieux. Le Président instruisit une enquête pour déterminer les causes du drame. Les pourfendeurs du collège Monthé qui était derrière ce drame en ayant fait circuler une fausse rumeur sur l’effondrement des bâtiments vont sauter sur l’occasion pour anéantir monsieur Monthé et son projet ambitieux. Une enquête sur l’adéquation des bâtiments de l’institut Monthé aux normes en vigueur sera confié au Labogenie.
Les premiers rapports du Labogénie ont conclu que les bâtiments n’avaient pas de problèmes et la construction répondait aux normes. Cependant, influencé par des mains tapis dans l’ombre, le Labogenie fit un second rapport mitigé. L’Etat décida alors de démolir et fermer le collège Monthé. Après la catastrophe, les élèves furent envoyés continuer l’année scolaire à la foire de Tsinga constitué en site provisoire. L’Etat y avait créé une administration séquestre. Les surveillants généraux étaient des commissaires en civil et tout regroupement était interdit.
Le 10 février 1989, le collège Monthé est démoli. Un investissement de plusieurs milliards de franc cfa dynamité en pleine année scolaire ; le terrain du fondateur du collège lui a été retiré sans investigation ni état d’âme pour des arguties qui n’ont jamais convaincu personne. Malgré les démarches entreprises, Monsieur Monthé n’a pas été dédommagé. Cette décision soudaine des autorités de démolir à Yaoundé le collège Monthé, un important établissement privé du pays a été vu comme une tentative de limiter l’influence bamiléké, son propriétaire étant un digne fils de l’Ouest.
Après le drame Jean Monthé fut incarcéré à la prison de kodengui, il remporta néanmoins son procès contre l’Etat du Cameroun et fut libéré. Saluons au passage, l’esprit de solidarité et de citoyenneté des taximans de la ville de Yaoundé qui ayant appris le drame, s’étaient rués vers les lieux pour transporter les blessés vers les hôpitaux ou encore ramener les élèves chez-eux sans réclamer le moindre sou.
Près du site de l’ancien collège Monthé, les chinois ont construit le palais des sports de Warda. Etonnant n’est-ce pas ? Lorsqu’on sait que le collège Monthé fut détruit parce qu’on avait honteusement conclu que le site n’était pas approprié pour les constructions. Alors quel est donc cet Etat qui pourrait faire construire le plus grand palais des sports du pays sur un site inapproprié ?
Photo d’illustration : Élèves éplorés du lycée bilingue de Deido ( il ne s’agit pas de la photo du collège Monthé mais d’une photo illustrative car n’ayant pas pu avoir des images du collège Monthé)
Arol KETCH, Doumelong le 27/10/2020
Fourmi Magnan égarée