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Gangsters et légendes populaires : ESSONO et John POLOLO

Aujourd’hui, je vais vous raconter la petite histoire de deux célèbres gangsters africains dont les exploits et légendes ont marqué mon enfance. Au-delà des légendes qui accompagnent leurs noms, ils ont réellement existé. La frontière entre la légende et la vérité est souvent plus fine qu’une lame.
✓ ESSONO


Il est vraisemblablement le plus célèbre bandit de l’histoire du Cameroun. Un bandit qui signait toujours ses forfaits. Il a sévi au Cameroun au début des années 80 ; son règne a été éphémère mais très fécond. Plusieurs légendes populaires abondent sur ce personnage. Je vais vous raconter celle qui m’est parvenue.
ESSONO était secouriste-brancardier de la croix rouge au Tchad durant la première guerre civile (de 1965 à 1979). Il va profiter de cette position, pour subtiliser les armes des blessés et des morts qui étaient à sa charge. Il va se constituer un véritable arsenal de guerre. Il va décider de retourner au Cameroun avec ce butin et va se lancer dans une brillante carrière de bandit. ESSONO excelle dans le banditisme à tel point que la presse locale célèbre et romance même ses exploits.
Ce gangster séduit carrément les camerounais qui jubilent à chaque fois que le grand ESSONO commet un forfait. Ses activités de gangster constituent un feuilleton qui tient en haleine le public Camerounais. Le journal La Gazette ne rate pas l’occasion de relater les exploits de ce grand bandit ; les lecteurs sont friands des exploits d’ESSONO. Il est décrit comme un mélange d’Arsène Lupin, de Fantômas et d’Al Capone. C’est lui le roi de l’entourloupe, de l’esbrouffe et l’escampette.
ESSONO était adulé parce qu’il était le premier bandit qui avait osé s’en prendre aux « blancs ». Il a fait vibrer la fibre nationaliste de plusieurs camerounais qui l’ont même considéré comme un Robin des bois des temps modernes. Enhardi par le mythe Essono, de nombreux camerounais ont eu le courage d’exprimer leur défiance contre les occidentaux vivant au Cameroun à tel point que de nombreux « blancs » pris de peur, décidèrent de quitter définitivement le Cameroun. Pour les populations, Essono rétablissait les équilibres sociaux, du fait qu’il ne s’en prenait qu’aux « blancs » et aux riches.
ESSONO détenait des pouvoirs mystiques ; barrés d’amulettes, l’homme aurait même disait-on, le pouvoir de disparaitre et de fondre dans la nature. C’est pour cette raison qu’on avait du mal à l’arrêter à chaque fois qu’il commettait un forfait. ESSONO disait avoir acquis ses pouvoirs mystiques auprès des guerriers tchadiens qu’il côtoyât pendant qu’il était secouriste durant la guerre civile tchadienne.
ESSONO, c’était aussi le roi des évasions. Il a été incarcéré dans les prisons les plus sécurisés du pays mais à chaque fois, il réussissait à s’évader. C’était l’ennemi public numéro 1. Doté de pouvoirs magiques, il était insaisissable. Même avec une photo, les forces de l’ordre pouvaient le croiser sans arriver à le reconnaître. ESSONO adorait écumer les bars et endroits populaires dans lesquels les citoyens se plaisaient à raconter ses légendes.
Il se fondait dans la foule pour écouter les nombreuses légendes racontées sur lui et en partant, il laissait toujours un mot : « ESSONO était là ! ». ESSONO aimait le luxe et les belles femmes, il avait plusieurs belles conquêtes mais celles-ci ne savaient pas qu’il était le célèbre « ESSONO ». Les ménagères versaient une larme lorsqu’elles apprenaient que Essono était arrêté et jubilaient lorsqu’elles apprenaient son évasion.
Tout le monde tremblait à l’évocation de son nom. L’ennemi public numéro 1 a finalement été abattu après un énième forfait. Plusieurs versions abondent au sujet de son élimination. La version généralement véhiculée soutient qu’après un hold-up manqué au quartier Bonaberi dans la ville de Douala, le terrible ESSONO avait été pris en chasse par près de 200 policiers et gendarmes armés jusqu’aux dents. D’habitude, face à une telle situation, il lui suffisait juste d’activer son pouvoir mystique pour disparaitre. Malheureusement ce jour-là, ESSONO fut abandonné par ses pouvoirs. Livré à lui-même, ESSONO décida de se jeter dans le fleuve Wouri pour échapper aux assaillants ; il avait oublié qu’il lui avait été interdit de toucher de l’eau pour ne pas perdre ses pouvoirs.
ESSONO décida de sauver ce jour-là, à la nage. Craignant de le voir disparaitre comme à l’accoutumée, ses poursuivants décidèrent de tirer. ESSONO fut atteint d’une rafale de balles et mourut.
La nouvelle de son décès fut accueillie avec tristesse dans les foyers. ESSONO a fait des émules puisque bien après sa mort, de nombreux braqueurs signaient leurs forfaits par le lancinant « ESSONO était là ». Ce qui contribuait à alimenter la rumeur selon laquelle l’invincible ESSONO n’avait pas été assassiné et qu’il continuait à opérer. La légende d’ESSONO fut telle qu’on lui attribuait même des forfaits qu’il n’avait pas commis. Certains jeunes garçons se sont lancés dans le banditisme par admiration pour ESSONO et les nombreuses légendes sur l’homme.
Bien que tué dès septembre 1983, sa mort ne fut révélée que bien plus tard. Je vous révèlerai la raison pour laquelle sa mort fut cachée dans un prochain épisode.


✓ John Pololo


John Pololo dit Sogbi Jonathan de son vrai nom Seri Gnadre Lazare est une figure emblématique du banditisme en Côte d’Ivoire. C’est l’un des plus célèbres gangsters qu’a connu la Côte d’ivoire. Il a sévi dans les rues abidjanaises durant les années 80-90. Il était doté d’un physique impressionnant et d’un charisme naturel.
Plusieurs légendes relatent ses exploits vrais ou supposés. John Pololo, c’est plusieurs personnages en un seul. C’est l’histoire d’un grand pratiquant d’arts martiaux, un très bon danseur qui va s’illustrer avec brio dans le grand banditisme. Il est le père du « Logobi », un genre musical qui signifie en nouchi « faire le malin » et qui a donné une danse codifiée par Pololo.
Pololo est considéré comme l’un des pères du Nouchi (forme d’argot ivoirien), tant il a enrichi ce parler. Il a créé plusieurs néologismes et a largement contribué à populariser ce parler populaire. En plus d’avoir vulgarisé le Nouchi, il a aussi vulgarisé une démarche et une manière de s’habiller. Plusieurs artistes africains lui doivent leur renommée.


John Pololo était un loubard, il était le boss des loubards et employait des « gros bras ». John Pololo adorait la castagne mais il avait surtout la tchatche. En plus d’être un redoutable guerrier, c’était un beau parleur. Très éloquent, il réussissait toujours à prendre l’ascendant psychologique sur son interlocuteur. Teigneux, il réussissait toujours à obtenir ce qu’il voulait et il ne reculait devant personne. Il adorait les combats de rue.
Pololo connaissait parfaitement le milieu carcéral pour y avoir séjourné à plusieurs reprises. Lors de leur passage en prison où ils avaient été transférés en raison de leurs activités au sein de la FESCI, des leaders estudiantins comme Guillaume Soro, Blé Goudé Charles ou Damana Pikass auraient été protégés en prison par John Pololo, celui-ci les aurait pris sous son aile.
Mais John Pololo ce n’était pas un ange, c’était un criminel notoire, un repris de justice. A son actif : braquages, extorsions de fonds, viols, meurtres etc.
C’était un tueur à gage. Il était chargé de l’exécution de sales besognes. Il a été chargé d’exécuter plusieurs grandes personnalités. C’était un mercenaire qui vendait très cher ses services aux hommes politiques. Ses services ont par exemple été utilisés par la Présidence ivoirienne pour casser les grèves et manifestations de l’opposition naissante. On parlait alors des vagabonds salariés.
On lui attribuait plusieurs pouvoirs mystiques. On le disait si coriace que même les balles ne pouvaient le tuer. Pololo a été abattu après le coup d’Etat de décembre 1999 contre Konan Bédié qui porte le général Robert Guei au pouvoir. Désireux d’assurer la sécurisation de la ville d’Abidjan, les putschistes mettent en place une nouvelle cellule appelée PC Crise dirigée par Boka Yapi. Ils vont dresser une liste de loubards à éliminer le plus vite possible.
La légende raconte que lorsque Pololo a été capturé par les militaires après une altercation dans la rue ; ceux-ci ont essayé de l’abattre mais sans succès, il n’a même pas été blessé. Ils ont donc été obligés de l’attacher à deux camions et de l’écarteler. Toujours est-il que Pololo a été sauvagement été torturé avant de rendre l’âme. C’était le 13 janvier 2000. Pololo détenait plusieurs secrets d’Etat sur de hautes personnalités.
Criminel sans pitié, il était capable de tuer de sang-froid. Malgré tout, il était très populaire chez les jeunes qui l’idolâtraient. C’était leur Rambo. Il était à la fois ange et démon. Il était capable d’être d’une gentillesse profonde mais aussi d’une cruauté indicible.
Toujours est-il qu’il a marqué toute une génération d’ivoiriens en bien comme en mal. Plus de 20 ans après sa mort, son nom continue de régner dans les rues d’Abidjan. Une rue d’Abidjzn siège de ses exploits porte son nom.
Le célèbre artiste ivoirien Dezy Champion a composé une chanson à sa mort pour lui rendre hommage.
NB : N’ayant pas la science infuse, je compte sur vous pour ajouter en commentaires les différentes informations et légendes que vous connaissez sur ces deux brigands.
Arol KETCH – 30.10.2020
Fourmi Magnan égarée

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