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Quand l’Etat se fait berner par trois escrocs : L’affaire des avions renifleurs

L’affaire des avions renifleurs demeure à ce jour l’un des plus grands scandales politico-financiers de la Vème République en France. C’est probablement l’une des plus grandes fumisteries de l’histoire. Comment tout un Président de la République et son gouvernement vont se faire rouler dans la farine de manioc par de petits escrocs. Nous sommes en 1974 au lendemain du premier choc pétrolier. La France est au bord de la crise énergétique. Le prix du pétrole est multiplié par 3. « La France n’a pas de pétrole mais elle a des idées ! « .

Des idées, il y en a en profusion ; un duo d’inventeurs loufoque va proposer un projet scientifique inédit. Il s’agit d’un pseudo-inventeur belge, le Comte Alain de Villegas, et un autodidacte italien, Aldo Bonassoli. Ceux-ci prétendent avoir mis au point un appareil permettant de voir jusqu’à des milliers de mètres sous terre et ainsi détecter du gaz, du pétrole et certains minerais rares. Le gouvernement français est intéressé ; cette technique révolutionnaire peut à elle seule, sauver la France de la crise énergétique. Au plus haut sommet de l’Etat, on y croit.

Le Président Giscard d’Eistaing donne son aval. L’entreprise publique Elf-Aquitaine va, dans le plus grand secret et avec l’accord de l’Etat, investir dans ce projet qui implique des sommes d’argent public considérables : plus de 1,5 milliard de Francs (250 millions d’euros) entre 1975 et 1979. Des essais grandeur nature sont organisés dans le plus grand secret. L’opération est classée secret défense. Lors des premiers essais menés avant la conclusion du contrat, les inventeurs réussissent à faire illusion. Avec des complicités en interne, le premier test sera concluant. Tous les prochains tests et essais réalisés s’avèrent non satisfaisants. En 1977, le canular commence à s’effriter comme peau de chagrin. Bonassoli et Villegas disent avoir détecté du pétrole en Afrique du Sud. Elf lance les forages mais les sous-sols ne regorgent que de basalte. La filouterie est découverte. C’est le physicien, Jules Horowitz, du Commissariat à l’énergie atomique, qui dévoilera définitivement la supercherie. Bonassoli utilisait un écran fictif pour faire apparaître des recherches prédéfinies.

La machine n’était qu’un magnétoscope qui diffusait à l’écran des dessins et des photos réalisés à l’avance. On a affaire à des escrocs, on va découvrir que Bonassoli n’est pas un physicien nucléaire comme il le prétend, il est en réalité réparateur de télé en Italie. Villegas est quant à lui est un illuminé qui annonce la fin du monde pour l’an 2000 et annonce l’arrivée imminente des extraterrestres. Et dire que ces deux illuminés ont même été jusqu’à à donner des formations dans le cadre de leur pseudo-invention à des ingénieurs diplômés de la fameuse école polytechnique. Et ceux-ci n’y ont vu que du feu. Des responsables politiques, dont le Président Giscard d’Estaing et son Premier ministre Raymond Barre sont directement impliqués dans ce scandale. De nombreuses manœuvres sont mises en œuvre pour dissiper l’affaire et empêcher la révélation de ce scandale d’Etat.

Trop tard ! le journaliste Pierre Péan du Canard Enchainé va révéler l’affaire en 1983.Mais comment la première entreprise de France, Elf, a-t-elle pu se faire escroquer bêtement par des illuminés pour du pétrole ?Face à l’énormité de l’escroquerie, une commission d’enquête parlementaire est mise en place lorsque le pouvoir va basculer à gauche avec l’arrivée de François Mitterrand au pouvoir. Le rapport final de cette commission va dédouaner l’ancien président Valéry Giscard d’Estaing mais incriminera son premier ministre Raymond Barre. Celui-ci est accusé d’avoir cherché à étouffer l’affaire en détruisant un rapport de la Cour des Comptes sur cette affaire.

L’affaire est enterrée. L’Etat français a tellement honte qu’il ne porte pas plainte. Il n’y aura pas de poursuites. Les inventeurs escrocs finiront ruinés. Villegas est décédé, son complice Bonassoli est redevenu réparateur de téléviseurs.

Arol KETCH – 16.09.2021

Rat des archives

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