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Nakomitunaka – La chanson qui a fait trembler le VATICAN


Au début des années 70 au Congo, le président MOBUTU prône l’abandon de la culture occidentale et le retour à la culture africaine profonde, il développe l’idéologie de la « zaïrianisation » ou de « l’authenticité ». Idéologie prônant la décolonisation culturelle et le retour à la culture africaine profonde. Il rebaptise à la fois le pays, le fleuve Congo et la monnaie sous la dénomination de Zaïre.


En 1971, le costume occidental est proscrit. Mobutu impose un costume traditionnel, « l’abacost » (qui signifie « à bas le costume ») et oblige les Zaïrois à choisir un nom d’origine africaine et locale. Il effectuait des visites surprises dans les bureaux pour vérifier que les fonctionnaires étaient en « Abacost ». Ce qui va pousser les fonctionnaires à emporter avec eux une valise de rechange pour porter le fameux Abacost en cas de contrôle.


Les prénoms chrétiens cèdent la place aux noms africains. Ce qu’il fait lui-même en devenant « Mobutu Sese Seko NkukuNgbendu Wa Za Banga » ce qui signifie « le Guerrier tout-puissant qui vaincra en raison de son endurance et de sa volonté inflexible, volant de conquête en conquête en laissant le feu dans son sillage ou l’Homme qui vole de victoire en victoire en ne laissant rien derrière lui ou encore l’Homme qui vole de victoire en victoire sans que personne ne puisse l’arrêter », les termes Madame et Monsieur sont remplacés par ceux de « citoyen » et « citoyenne ».


Mobutu impose aussi que sa langue maternelle : le lingala, soit étudiée et parlée dans tout le pays. Les principales villes sont renommées : Léopoldville cède la place à Kinshasa, Elisabethville et Stanleyville deviennent respectivement Lubumbashi et Kisangani. Les statues à la gloire des missionnaires et explorateurs occidentaux sont déboulonnées. Sur le plan économique, l’Authenticité amorce la nationalisation des entreprises et des propriétés foncières aux mains de capitaux étrangers.


Emporté et engaillardi par la fièvre de l’authenticité, un artiste congolais va composer en 1972 une chanson pour exprimer son interrogation. C’est la fameuse chanson “Nakomitunaka” qui signifie littéralement “ Je m’interroge ». Dans cette chanson, Kiamwangana Verckys relève un certain nombre des faits bibliques qui sont défavorables aux noirs et aux africains. Son interrogation est claire :
“ Mon Dieu, je ne cesse de m’interroger
À l’église nous remarquons ceci
Les photos de tous les saints montrent des Blancs
Tous les anges sont des Blancs
Si c’est le diable, la photo représente un Noir.
D’où vient cette injustice ?
D’où provient la peau noire?
Les colonialistes nous ont ainsi trompé
Les statuettes de nos ancêtres, ils les rejettent
Les médicaments indigènes, ils les rejettent
Mais à l’église nous remarquons
Nous prions, le chapelet à la main
Nous prions, à l’église pleine des statuettes
Mais ces statuettes ne représentent que des Blancs
Pourquoi, mon Dieu?
Nous, nous croyons aux prophètes blancs
Mais eux ne croient pas aux prophètes noirs
L’Afrique veut voir clair
Afrique, il ne faut plus reculer
Mon Dieu, je ne cesse de m’interroger
Quelle est l’origine de la peau noire ?
Qui est notre premier ancêtre ?
Jésus, le fils de Dieu, est un Blanc
Adam et Ève sont des Blancs
Tous les Saints sont des Blancs
Pourquoi, mon Dieu
Mon Dieu, je ne cesse de m’interroger”


En cette période d’authenticité, les congolais se sentent profondément touchés par le message et les interrogations soulevées par cette chanson. Ils vont se mettre à réfléchir et vont prendre conscience d’un certain nombre de choses.
Plusieurs congolais décident carrément d’abandonner les religions chrétiennes pour retourner vers la tradition africaine. De nombreux congolais baptisés décident de ne plus aller à l’église. La défiance contre les religions chrétiennes est de plus en plus grandissante. L’Église catholique est inquiète; elle a peur que la fièvre ne contamine les autres pays africains. Le vatican demande au clergé congolais de batailler pour interdire cette chanson. La rumeur de l’interdiction de la chanson se répand et provoque de violentes émeutes qui vont durer une semaine.
Fait extraordinaire, les meneurs de la révolte sont majoritairement des chrétiens pratiquants; en guise de sanction, ceux-ci sont excommuniés par l’église. Ces derniers accueillent leur excommunication à cœur joie et décident de ruer vers les religions messianiques locales ( le kimbanguisme et le matsouanisme). L’église prit donc la décision d’excommunier tous les chrétiens qui chanteront cette chanson.
Mais qui est donc l’auteur de cette chanson, qui a failli créer un sérieux incident diplomatique entre le zaïre et le Vatican ?


Kiamwangana Mateta Verckys est Saxophoniste et auteur-compositeur né en 1944 au Congo belge (République démocratique du Congo). Il est le premier producteur congolais de musique. Il est le patron des éditions musicales “Veve” qui regroupent plusieurs activités dans le domaine de l’édition musicale et de la promotion des jeunes artistes.
Il a plusieurs cordes à son art. Il a été membre de plusieurs grands orchestres congolais : Los Cantina, Jamel Jazz , Congo-Rock , O.K Jazz, orchestre vévé etc.
Très investi dans la défense des droits des artistes congolais, il a été président de l’Umuza (Union des musiciens zaïrois) puis de l’umuco (Union des musiciens congolais). Il préside aussi le conseil d’administration de la Socoda (Société congolaise des Droits d’auteurs et des Droits voisins).
Cette chanson de Kiamwangana Verckys a été reprise en 2016 avec beaucoup de succès par sa fille Ancy Kiamwangana. Preuve que l’interrogation formulée par cet artiste depuis 1972 demeure d’actualité.
Arol KETCH – 08.04.2021
Fourmi Magnan égarée
Rat des archives

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