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Baba Sy le meilleur joueur de dames africain de tous les temps

C’est l’histoire d’un génie né au Sénégal en 1936. Il est connu pour avoir battu en Allemagne lors d’une partie simultanée, 150 joueurs dont de grands champions.
Chacun d’entre nous possède au fond de lui un talent caché. Il suffit souvent d’un concours de circonstance pour qu’on en prenne connaissance et le fasse briller au grand jour.


Fidèle à ses habitudes, le petit Baba Sy était en train de ranger les pièces de jeu de dames après que les anciens aient terminé leurs parties. Un monsieur s’approche du jeune garçon et l’invite à faire une partie de dames. Le jeune garçon est étonné par cette invitation inhabituelle et répond qu’il ne sait pas jouer. Le monsieur hilare, lui retorque que c’est très facile et propose de lui apprendre à jouer.
A peine lui avait-on expliqué les rudiments du jeu que le jeune garçon en avait déjà une maitrise totale. Il avait en quelques minutes tout compris. Il jouait juste et bien à tel point que le monsieur qui s’était proposé de lui apprendre à jouer soupçonna le jeune garçon de lui avoir menti. Que non ! le petit Baba Sy lui avait dit toute la vérité ; avant ce jour -là, ce jeune garçon n’avait jamais livré une partie de jeu de dames.
Le jeune garçon battit sévèrement à plusieurs reprises l’homme qui venait de lui apprendre à jouer à tel point que ce dernier se resigna à abandonner et se mit à demander des conseils sur le jeu au jeune garçon. Voilà comment l’élève dépassa le maitre au point de devenir le maître du maître. C’est ainsi que Baba Sy découvrit le jeu de dame et en devint le grand maître.


En 1959, quand Monsieur Emile BISCONS (joueur de dames qui fut maître national français) le découvre, Baba Sy était déjà connu et reconnu comme un maître incontesté du jeu de dames à seulement 23 ans. Chose incroyable, à ce moment-là, il ne savait ni lire ni écrire mais il savait compter. Il avait une maitrise quasiment innée des chiffres et une faculté d’abstraction très aiguisée. Inutile de préciser qu’il va rattraper très vite son retard au niveau de la lecture et de l’écriture de la langue de Molière.
La même année (1959) , Baba Sy remporte le premier grand tournoi majeur auquel il participe. Cette année-là, il remporta à Châtellerault le championnat de France. Dès 1960, Sy le premier africain noir a participé à un championnat du monde devient vice-champion du monde en terminant juste derrière le Soviétique Viatcheslav Chtchogoliev. Sy n’avait qu’un seul point de moins que son adversaire.


En 1961, Sy remporte le tournoi international de dames de Yalta auquel participa entre autres le futur champion du monde Andreiko. En 1962, il est vainqueur du Challenge mondial de dames de Liège. Après cette victoire, il est alors désigné comme challenger devant affronter le champion du monde Iser Kuperman lors d’un match que doit organiser la fédération soviétique en 1963. Ce match sera annulé. 10 ans plus tard, on apprendra grâce aux déclarations d’ Iser Kuperman que ce match avait été annulé par la fédération soviétique qui était persuadé que Sy allait le rempoter et ne souhaitait pas qu’un noir soit champion du monde.
Après ces révélations, la fédération sénégalaise va entamer des réclamations et des tractations entre les fédérations soviétique, sénégalaise et internationale pour réclamer que réhabilité comme champion du monde de l’année 1963. En 1986, Baba Sy est officiellement établi à titre posthume comme champion du monde 1963, titre partagé avec Iser Kuperman. Baba Sy est 3ème au championnat du monde de dames en 1964. Par la suite, de nombreux soucis de santé dont une hypertension artérielle qui l’empêche de terminer des parties, vont handicaper sa carrière et l’empêcher de participer à plusieurs championnats internationaux.
Il termine 6ème au championnat du monde de 1972 et va retenir l’attention du vainqueur de la compétition.


Le néerlandais Ton SIJBRANDS qui fut champion du monde 1972-1973 et qui a bien connu Baba SY lui a consacré un livre intitulé (Le grand livre de Baba Sy ; Voorst, 1989) dans lequel il a répertorié et analysé 333 parties de Baba SY, un travail d’expert reconnu par tous comme unique dans l’histoire du jeu de dames.
Comme l’a relevé le maitre de jeu de dame Emile Biscons, en dehors des grands tournois internationaux, BABA SY était devenu un vrai spécialiste de parties simultanées où il montra encore toutes les faces de son grand art ; victoires ultra rapides, des combinaisons étourdissantes et, pour l’époque, un record du nombre de participants. En 1962, l’Allemagne organise une grande compétition, il est le seul Africain. Il a joué contre 150 joueurs en passant simultanément quelques secondes par table. Plusieurs champions font partie du « grand jeu » et il est déclaré vainqueur, battant les 150 autres joueurs.


En France où il a vécu et au Pays-Bas, Baba Sy a laissé le souvenir d’un joueur d’exception dont le talent pur a fait l’admiration et a forgé le respect de tous.
Il était un véritable héros au Sénégal. Il drainait les foules. Lorsqu’il devait jouer, c’était indescriptible, il y avait un monde fou, les gens quittaient de ville en ville, ils faisaient des centaines et des centaines de kilomètres pour voir BABA SY jouer. Lorsque les matchs étaient à l’air libre, certains spectateurs montaient sur des arbres pour regarder ce match de plus près et chaque combinaison effectuée par BABA SY était accueilli par un tonnerre d’applaudissement comme dans un match de football. Et à chaque assaut victorieux de Sy, les spectateurs tombaient des arbres, sautaient et jubilaient de partout.
BABA SY mourut tragiquement le dimanche 20 août 1978 dans un accident de voiture dans la ville de Dakar, il laissa une réputation légendaire. Il était apprécié pour son extrême humilité et sa gentillesse.
Arol KETCH
Fourmi Magnan égarée
Rat des archives

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