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Hommage à Joseph Kabaselé aka Grand Kallé


La rumba congolaise vient d’être admise au patrimoine culturel immatériel de l’humanité ; occasion pour nous de rendre hommage à Joseph Kabaselé dit Grand Kallé ; l’un des pionniers de la rumba congolaise. Il est considéré comme étant le père de la musique congolaise moderne.
On situe les origines de la rumba dans l’ancien royaume Kongo où se pratiquait une danse appelée Nkumba, qui signifie « nombril », parce qu’elle faisait danser homme et femme nombril contre nombril. C’est ainsi donc qu’avec la traite négrière, les africains soumis en esclavage ont emmené avec eux dans les Amériques leur musique et leur culture ; ce qui donnera naissance au Jazz, au blues en Amérique du Nord et à la rumba en Amérique du Sud. Plus tard ces musiques seront exportées vers l’Afrique à travers les marchands de disque, les marins etc. C’est donc un retour au pays natal.
L’artiste musicien congolais, Joseph Kabasele Tshamala est l’un des pères fondateurs de la musique congolaise moderne. Né le 16 décembre 1930 à Matadi, ce musicien autodidacte crée l’orchestre African Jazz en 1953. Les membres influents du groupe étaient Simaro Lutumba, Tabu Ley Rochereau et Sam Mangwana, qui ont ensuite fondé chacun leur propre groupe.


Son surnom de « Grand Kallé », il le doit à la première et la dernière syllabe de son nom : « ka » et « lé ». Peu avant l’indépendance de son pays, « Grand Kallé » et l’African Jazz s’envolent en Belgique pour agrémenter les travaux de la table ronde devant décider de l’avenir du Congo belge. L’orchestre va composer la célèbre chanson « Indépendance Cha Cha » qui deviendra un véritable hymne pour les indépendances des pays africains, un authentique tube panafricain.
Kabaselé a joué un rôle déterminant dans la carrière de Manu Dibango. On n’aurait peut -être pas connu le grand Manu Dibango s’il n’avait pas croisé des grands noms de la musique Congolaise.
C’est dans la boîte les Anges Noirs en Belgique que « Grand Kallé » fait la rencontre de Manu Dibango . Joseph Kabasélé avait été emmené en Belgique à l’occasion de la table ronde par Patrice Lumumba. Grand Kallé tombe sous le charme du jeu de sax de manu et l’engage comme saxophoniste dans son orchestre l’African Jazz.


Manu Dibango, musicien nourrit à l’école occidentale ne connaît plus grand chose à la musique africaine après tant d’années passées loin de la terre de ses ancêtres. Il retourne aux sources et redécouvre les sonorités africaines dont une musique congolaise très développée et variée. Ensemble, ils enregistrent une quarantaine de morceaux dans un studio à Bruxelles pendant quinze jours.
Joseph Kabasalé lui propose un contrat d’un mois pour une tournée au Zaïre en août 1961. Il accepte le contrat et embarque son épouse avec lui, direction Léopoldville (actuelle Kinshasa). Partis pour un mois, ils y resteront deux ans. Ce sera une immense tournée africaine au cours de laquelle ils sillonneront en plus des pays d’Afrique francophone, quelques-uns d’Afrique anglophone et du nord.
De l’aveu même de Manu Dibango :  » c’est Kabasselé qui va lui ouvrir les portes de l’Afrique ».
Joseph Kabaselé est aussi au cœur de plusieurs grand succès de la rumba congolaise dont le titre « Jamais Kolanga ».
Vers la fin des années 1950, le jeune Jean Marie Antoine Lema est invité au mariage d’un couple d’européens. Il tient absolument à assister à ce mariage car son orchestre préféré, l’African-Jazz doit agrémenter une bonne partie de la cérémonie.
Au cours de la cérémonie, l’African-Jazz entonne l’une de ses chansons mythiques ; Jean Lema, entraîné par le rythme endiablé de la mélodie, se lève aussitôt avec audace et demande à un couple d’européens au vu et au su de tous les invités, l’autorisation de danser avec la dame. C’était à l’époque où il était interdit aux hommes noirs de danser avec des femmes blanches. Ayant obtenu tacitement l’accord de son mari, la jeune femme se leva sans broncher, ajusta sa robe et se jeta dans les bras de l’audacieux Lema.


Tenant gracieusement la jeune femme par la taille, Lema esquissa un premier pas annonçant le lancement des hostilités. Les deux danseurs improbables se mirent à tournoyer sur la piste sous le regard incrédule d’un public hébété. Après avoir dansé, avec toute la politesse d’un gentleman, Lema ira raccompagner la dame et remercier l’époux de celle-ci.
Il devint alors l’un des tous premiers congolais à avoir dansé avec une femme blanche devant un parterre d’invités européens.
De retour à l’endroit où il était assis aux côtés des musiciens et du « Grand Kallé », un musicien (probablement le guitariste Déchaud) lança au « Grand kallé » : « Vieux Kallé ! Muana oyo balonga ye te » (Vieux Kallé ! ce petit, on ne peut le vaincre) et « Grand Kallé » d’enchaîner « il est Jamais Kolonga » (Ce qui veut dire, il est invincible).
Séduit par l’exploit réalisé par Lema, son ami « Grand Kallé » lui consacra une chanson intitulée « Jamais Kolonga ». Chanson qui est devenue un grand classique de la rumba congolaise. Elle raconte l’épisode où un jeune noir courageux s’est levé devant une foule d’européens pour inviter une blanche à danser.
Le jeune noir l’a enserrée et ils ont tournoyé sur la piste de danse. ‘’Oyé, oyé, oyé ! Serre-moi fort. Jamais Kolanga, serre-moi fort. Si tu me lâches, je vais tomber.’’ dit le refrain. Voilà comment est né le surnom « Jamais Kolonga ».
Kabaselé a aussi consacré l’une de ses chansons à Patrice Lumumba, l’un des pères de l’indépendance du Congo. Il est décédé le 11 février 1983 dans le dénuement.
En 1983, lorsque décède Grand Kallé, le grand maître de la musique congolaise, Franco Luambo & Tabu Ley Rochereau se réunissent pour composer un dernier titre pour lui rendre un dernier hommage ; c’est la naissance du très émouvant  » Kabaselé Memorial »


Arol KETCH – 15.12.2021
Rat des archives

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